Requalifier l'entre-ville
Lille-France
Ce site web a été réalisé dans le cadre du cours Design Urbain: Concepts et Méthodes. Il présente le résultat d'une analyse urbaine concernant le projet d'écoquartier des Rives de la Haute-Deûle. Le secteur se situe à l'ouest de la ville de Lille (Hauts-de-France, France), à la frontière avec la commune de Lomme, dans une zone ayant connue une métamorphose urbaine importante depuis une dizaine d’années. Longeant le canal de la Haute-Deûle, cet ancien pôle industriel est aujourd'hui reconverti en un écoquartier reconnu à l'échelle nationale. Ce quartier se construit autour du Pôle d'excellence du numérique : EuraTechnologies. Ainsi, depuis plus de dix ans, les municipalités de Lille et de Lomme se sont engagées aux côtés de la Métropole Européenne de Lille (90 communes, 1,2 millions d'habitants) à redynamiser un quartier jusqu'alors composé de friches industrielles, et à créer un nouveau quartier avec l’ensemble des fonctions urbaines : logements répondant à tous les besoins, activités économiques, commerces, espaces publics de qualité s’appuyant sur l’armature paysagère et environnementale du lieu.
Le développement de l'écoquartier se concentre inévitablement sur les enjeux de la création d'un quartier situé à la frontière entre deux communes au fort passé industriel, et s'organise autour des 5 enjeux suivants :
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Remise en valeur du patrimoine historique et industriel ;
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Qualifier et requalifier les espaces publics en perdition ;
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Mise en valeur de l’eau comme élément de conception de l’espace urbain;
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Promotion d’une mixité sociale par une diversité dans l’offre de logements;
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Respect des principes de développement durable.
EuraTechnologies : l'ancienne usine Le Blan-Lafont, filature construite en 1900, transformée en 2009 par l'architecte Vincent Brossy en un parc d'activités de 150 000 m2 dédié aux TIC (Technologies de l'Information et de la Communication)
CONTEXTE
Lille, carrefour de l'Europe | Par les auteurs
La Haute-Deûle, frontière entre Lille et Lomme | Par les auteurs
Lille
Lomme
La Haute-Deûle
La Deûle
C'est donc dans cet entre-ville, entre Lille et Lomme, que se développe le projet d'écoquartier des Rives de la Haute-Deûle, projet résultant d'une mise en œuvre d’une politique de reconquête urbaine dans les secteurs en mutation.
Les Rives de la Haute-Deûle
Requalification urbaine et ville renouvelée | Source : Nord.gouv.fr
Lille, carrefour de l'Europe
Située à la frontière belge, la ville de Lille est la capitale de la région des Hauts-de-France. Sa position centrale, au coeur de l'Europe, lui confère un rôle de carrefour socio-économique important, à l'échelle nationale comme à l'échelle européenne, carrefour où se croisent les grandes lignes de transport routier, ferroviaire ou maritime.
Lille est également au coeur de la Métropole Européenne de Lille (MEL). Deuxième agglomération française en ce qui concerne la densité de sa population (1 785 habitants/km2), la MEL rassemble 90 communes autour de la ville de Lille et compte 1 106 885 habitants (source : INSEE - 2007). Elle est la 4e agglomération par sa taille après Paris, Lyon et Marseille.
De plus, avec une continuité urbaine et de nombreuses villes jumelles le long des 84 km de frontière avec la Belgique, la Métropole Européenne de Lille forme avec les arrondissements belges de Courtrai, Tournai, Mouscron, Roulers, Ath, Tielt et Ypres, une agglomération transfrontalière de 2,1 millions d'habitants : L’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai.
Ainsi, la Métropole Européenne de Lille prend en main 6 axes majeurs du développement de la métropole:
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les finances et la gestion de la Métropole,
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la gouvernance,
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l'emploi, le développement économique et l'innovation,
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les transports et la mobilité,
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l'aménagement,
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la politique culturelle et sportive.
Lille et Lomme
Situé à l’ouest de Lille, couvrant une surface de plus de 930 hectares, Lomme s’est très fortement développée au cours du XXIe siècle avec l'arrivée de nombreuses industries, notamment textiles, mécaniques, ou chimiques. En 2000, avec ses quelques 28.000 habitants, la commune de Lomme (la commune constituant la plus petite subdivision administrative, souvent dirigée par un maire), fusionne avec la ville de Lille, déjà associée à la commune voisine de Hellemmes à l'est (1977). Ces deux fusions hissent la capitale des Hauts-de-France au rang des villes de plus de 200 000 habitants.
Qui dit fusion, dit superposition des frontières, tant administratives que physiques. La frontière entre Lomme et Lille est elle en partie formée par le bras nord du canal de la Deûle, canal très fortement emprunté pour le commerce fluvial. Le port industriel de Lille forme ainsi la frontière entre les deux villes. L'enjeu actuel est donc de tisser des liens entre ces deux villes et par la même tenter de reconstruire la frange les séparant.
LES RIVES DE LA HAUTE-DEÛLE
Prémisses de départ
Résultant d’un tissu urbain marqué par le développement industriel massif de la fin du XIXe siècle, le site des Rives de la Haute Deûle devient l’épicentre d’un vaste projet de requalification urbaine des quartiers existants, et ce, par l’insertion d’un pôle technologique. Par son emplacement stratégique, ce site devient sérieusement considéré comme le futur habitacle de nombreuses interventions urbaines à plusieurs échelles, et ce dès les années 2000.
Plus précisément, le projet se situe entre les villes de Lille et de Lomme, au point de rencontre des quartiers des Bois Blancs, à Lille, et du Marais, à Lomme. Il longe aussi le canal de la Haute Deûle, entre le parc de la Citadelle et la gare d'eau, à l'ouest.
Lille
Lomme
Bois Blancs
Le Marais
La Haute-Deûle
La Deûle
Périmètre global du projet des Rives de la Haute Deûle (100 ha) | Source : Par les auteurs
Un bref historique : le site et les repères dans le temps
Le besoin de requalification urbaine du secteur de la Deûle peut être mieux compris par une analyse de son développement à travers le temps. Jusqu’au XIXe siècle, l’urbanisation du secteur des Bois Blancs s’est réalisée de manière tardive, en raison de l’omniprésence de sols marécageux dans le secteur. Ce n’est que lorsque les terrains sont finalement drainés et que l’industrialisation s’étend à ces contrées et que les constructions commencent à s’intensifier. Progressivement, les usines se développent et occupent de larges emprises au sol. Aux alentours, des habitations ouvrières rudimentaires commencent à apparaitre. Caractérisé par un fort paysage industriel, le secteur des rives de la Haute Deûle s’est distingué, au cours de son développement, par sa forte mentalité « habitat-travail », où l’ensemble urbain s’est longtemps vu marqué par la présence de logements ouvriers et d’industries. Seuls quelques cafés et cabarets offraient, dans les années 1920 et 1930, des espaces de vie sociale dans le secteur. Vers 1955, l’achèvement du canal de la Deûle enclave une partie du quartier des rives de la Haute-Deûle, devenant une presqu’ile. Cette nouvelle insularité sera alors porteuse d’enclavement et de repli. Selon certains écrits, c’est aussi par cette séparation que le sentiment de village, encore très présent aujourd’hui, se créa.
La présence de l'eau sur le site de 1900 à 2001 | Source : Par les auteurs
Dans les dernières décennies du XXe siècle, c’est le début d’un développement en deux façons pour le quartier. Premièrement, une partie se développera de manière un peu plus rurale, avec une dynamique de village, soit « le Vieux Bois Blancs ». Elle sera constituée essentiellement de friches industrielles (futur site pour Euratechnologies), de logements à caractère sociale, d’une résidence pour personnes âgées et de la mairie du quartier. La deuxième partie de développement, communément appelée « le Beau Quartier des Bois Blancs » deviendra l’une des plus belles artères de la métropole, bénéficiant d’une meilleure dynamique du marché immobilier et servant d’accueil à une population plus aisée.
En 1983, on arrima le quartier d’une première façon avec son centre par l’implantation d’un réseau de métro. Par ailleurs, c’est à partir de 1988 que la ville de Lille entame ses premières études économiques sur le capital foncier du site des « Rives de la Haute-Deûle ». C’est suite à cette étude qu’est soulevée la présence de 40 Ha de terrains libres, potentiel économique intéressant pour la métropole. Entre 1990 et 2000 on poursuit plusieurs études le site menant aux premières ambitions de renouvellement urbain.
La ligne 2 du métro lillois | Source : Par les auteurs
Le projet : genèse et origines de sa mise en œuvre
Situé dans un secteur désinvesti, devenu l’épicentre d’un vaste projet de requalification urbaine, l’ensemble des quartiers qui composent les Rives de la Haute Deûle à pour ambition de devenir un nouveau centre entre Lille et Lomme, en concurrence directe avec le centre-ville de Lille.
Le projet d’aménagement des rives de la Haute Deûle voit le jour dans l’optique de contribuer à donner à la métropole Lilloise de nouveaux pôles d’excellence répartis à travers son territoire. EuraTechnologies et la requalification des quartiers avoisinants constituent, ensemble, l’un des cinq pôles de développement de la ville et a pour objectifs :
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La mutation du tissu économique, par l’offre de meilleures opportunités à vocation tertiaires;
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Le renouvèlement urbain du secteur, par la valorisation du tissu urbain délaissé et le développement des friches;
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La promotion d’un nouveau cadre de vie métropolitain;
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La diversification dans l’offre de logements dans le secteur.
Ainsi, la métropole lilloise se définit aujourd’hui en partie par son recyclage urbain, d'où se dégage le concept de « ville renouvelée ». Entre autres, le projet de renouvellement urbain propose une dynamique consciencieuse qui rompt avec la structure urbaine existante, qui prônait anciennement la cohabitation des typologies d’habitation ouvrières et les usines de travail. Cela est possible par l’offre d’un quartier tertiaire en continuité avec le centre urbain de la ville, par la reconstruction d’une nouvelle économie urbaine qui s’accapare des terrains des friches industrielles, en recyclant les anciennes installations, et finalement, par la proposition d’une nouvelle mixité fonctionnelle et urbaine qui se veut libératrice de l’enclavement des faubourgs existants et des quartiers tertiaires.
Le projet : les ambitions d'une métropole
Brièvement, par son emplacement géographique et son histoire, le quartier des Rives de la Haute Deûle fait partie des plans de la communauté urbaine de Lille de doter la métropole de secteurs-clés de l’économie, des savoirs et de l’information, qui seraient structurants et de qualité. Ainsi, à l’échelle de la métropole, le projet de restructuration urbaine de l’ensemble des quartiers de la rive de la Haute Deûle s’inscrit dans un réseau de politiques urbaines de la communauté urbaine de Lille en vue de devenir un pôle d’excellence répartis dans la métropole.
Du point de vue de l’échelle du quartier, c’est par la fusion des villes de Lille et de Lomme que les deux communautés ont voulu peaufiner leur maillage urbain en réalisant le projet urbain Euratechnologies et les quartiers des Rives de la Haute Deûle. Tandis que le premier propose un développement autour des activités liées aux technologies de l’information et de la communication, l’autre, dans une autre optique, se veut une réponse aux besoins de renouvellement urbain du secteur.
Un projet à deux échelles | Source : Par les auteurs
Rives de la Haute-Deûle : projet de renouvellement urbain
D’emblée, il est possible de soulever le lien entre cet ensemble de quartiers et un site que l’on peut qualifier « d’entre-ville », étant donné que le projet d’aménagement urbain s’inscrit dans une relation forte d’échange et d’interdépendance entre la ville, ses voies d’eau et son patrimoine naturel et industriel.
À la suite des nombreuses études de requalification urbaine du secteur, le projet vise à offrir une variété de typologies de logements aux habitants, allant de la maison de ville au petits immeubles collectifs. L’ensemble de la proposition mise également sur l’abondance des espaces publics, libérant près de la moitié de la surface de la ZAC avec un traitement paysager soigné, mettant en scène les bassins de rétention et l’eau au fil des canaux. Cette volonté écologique et la disposition des différents espaces verts dans le secteur, lui valent le nom de « plan de cité jardin du XXIe siècle ».
Les critères de haute performance environnementale ne se limitent pas aux aménagements paysagers des espaces publics, mais se matérialisent également dans le traitement des eaux pluviales, intégrées de manière harmonieuse à la ville.
En somme, la réorganisation en profondeur du tissu démantelé du quartier se fait par l’implantation de nouveaux commerces, les habitations, les équipements publics, les espaces verts et leur interrelation avec EuraTechnologies.
EuraTechnologies : le volet développement économique
Tel que mentionné précédemment, Euratechnologies est l’un des principaux pôles d’excellence communautaire de la métropole Lilloise, avec Euralille, EuraSanté, la Haute Borne et l’Union.
Les pôles d'excellence | Source : white-rabbit-pictures.com
Plus précisément, EuraTechnologies est l’ancienne usine Leblan Lafont, qui est devenu le symbole fort de la transformation urbaine du quartier, ainsi qu’un bâtiment emblématique pour la grande métropole lilloise. Sur les 77 000 m2 de bureaux pour le projet d’EuraTechonologies, 25 000 m2 se trouvent seulement dans l’usine Leblan Lafont, devenant ainsi le point d’ancrage du projet.
EuraTechnologies a officiellement ouvert en 2009 et en tant que Technopôle et fait rayonner la métropole lilloise tant à l’échelle nationale qu’internationale, abritant des entreprises telles que Microsoft, Gemini et une centaine de start-ups.
Le programme de la ZAC du 1er secteur opérationnel
Périmètre du projet | Source : VISEA d'après la MEL
La zone d’aménagement concerté (ZAC) est une procédure qui permet à une collectivité publique ou un établissement public y ayant vocation, de réaliser ou de faire réaliser l’aménagement et l’équipement de terrains, notamment de ceux que cette collectivité ou cet établissement a acquis ou acquerra en vue de les céder ou de les concéder ultérieurement à des utilisateurs publics ou privés (art. L311-1 du Code de l’Urbanisme).
Il existe 2 modes de réalisation d’une ZAC :
- en régie : soit par l’initiative d’un acteur individuel qui prend en main directement le projet et la création de la ZAC;
- par concession : par l’intermédiaire d’un acteur public ou d’une association économique mixte (privée ou privée).
La procédure de ZAC permet de :
- contrôler la cohérence d'ensemble d'un projet d'aménagement et la mise en œuvre du programme de construction;
- diversifier les usages;
- contribuer à la valorisation du site;
- permettre un morcellement foncier selon les besoin du projet;
- assurer le financement optimal des équipements et réseaux divers nécessaires à l’aménagement de la zone.
Aspects qualitatifs les plus marquants :
Mixité sociale et urbaine (Prix de l’aménagement urbain 2010)
Qualité paysagère et environnementale (Prix Eco-quartier 2009)
Création d’un pole d’excellence économique : Euratechnologies
Actions de concertation avec les habitants, de communication et d’adhésion au projet
ZAC du 1er secteur opérationnel des Rives de la Haute Deûle
Type de contrat : concession d’aménagement Concédant : Métropole Européenne de Lille
Durée : 2004-2015
Périmètre : 25 hectares
Investissement : 76 M €
Programme : 152 000 m2 de SHON /SP se décomposant comme suit :
25 000 m2 de SHON /SP pour la réhabilitation des anciennes usines Le Blan et Lafont et leur reconversion en centre de services dédiés aux TIC
52 000 m2 de SHON /SP pour le développement d’activités tertiaires
20 000 m2 de SHON /SP pour des activités d’enseignement et de recherche
50 000 m2 de SHON /SP pour de l’habitat
5 000 m2 de SHON /SP pour des équipements publics et commerciaux
Maîtrise d’œuvre des espaces publics : Atelier de paysages Bruel-Delmar
Urbaniste de la ZAC : Jean-Pierre Pranlas-Descours
Les enjeux
À la suite des différentes études de requalification urbaines effectuées entre 1900 et 2000, l’état des lieux soulève plusieurs interrogations sur l’avenir urbain du secteur. De ce fait, il est possible de se mettre dans la peau des concepteurs et de soulever plusieurs questionnements :
Comment travailler ce territoire essentiellement composé de friches ? Comment transformer l’eau en outil de connexion et mettre en valeur son importance historique ?
Comment refaire la ville et connecter ces quartiers enclavés depuis des siècles ?
En revenant en amont sur les questionnements des concepteurs, il est possible de comprendre les grandes lignes directrices du plan de renouvellement urbain dont Lille et Lomme se sont dotés lors de leur fusion en 2000.
Sommairement, le projet d’aménagement vise la mise en œuvre d’une politique de renouvellement urbain du secteur des quartiers des Rives de la Haute Deûle par la création d’une diversité de l’offre de logement, une mutation du tissu économique existant et par une conversion des friches urbaines délaissées.
À cette fin, la requalification du quartier permet de définir le territoire comme pôle d’attraction urbain permis par l’insertion d’un pôle technologique, où l’ancien caractère industriel des lieux devient véritable composante du projet urbain.
Par ces principes directeurs, plusieurs enjeux se déclinent dans les points qui suivent :
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Remise en valeur du patrimoine historique et industriel ;
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Qualifier et requalifier les espaces publics en perdition ;
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Mise en valeur de l’eau comme élément de conception de l’espace urbain;
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Promotion d’une mixité sociale par une diversité dans l’offre de logements;
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Respect des principes de développement durable.
L'ENTRE-VILLE
L’entre-ville, de l'allemand "Zwischenstadt"
«Une ville qui se déploie entre les vieux noyaux historiques et la campagne ouverte, entre les lieux de vie et les non-lieux des réseaux de communication, entre les circuits économiques locaux et les réseaux de dépendance au marché mondial.»
Thomas Sieverts (2001)
Composée d’espaces résiduels et souvent nommée «ville» faute de connaissances urbaines, on décrit plutôt l’entre-ville comme étant une «agglomération urbaine», une «zone de densification» ou encore un «paysage urbanisé» (Sieverts, 2001). Il s’agit en fait de donner une fonction aux non-lieux, aux espaces entre les centres urbanisés et la campagne, ou entre les villes elles-mêmes par des actions concrètes à tous les niveaux, créant ainsi de nouveaux noyaux urbains en périphérie des villes. C'est le cas par exemple de l'Emscher Park, ancienne région industrielle de la Ruhr (Allemagne) en phase de revitalisation. Ces noyaux, fortement inspirés de la ville traditionnelle européenne, témoignent d’un processus entièrement porté vers l’action par le travail direct sur l’image et la lisibilité qui ressort de la Zwischenstadt, soit l'entre-ville.
Le renouvellement de la ville se fait de concert avec le développement du cadre économique global. La régénération de l’économie entraine avec elle un renouvellement dans le cadre urbain et bâti de la ville (Deshaies, 2006). La fuite de la ville vers la campagne ou vers les banlieues devient inévitable pour certains groupes de personnes, se délaissant de certains services qu’on retrouvait dans les aménagements urbains de la ville traditionnelle. L’évolution des technologies venant avec le renouveau économique – communications, transport en commun – brouille les distances et permet une extension de la ville «sans frontières» (Sieverts, 2001). Les usages, fonctions et services deviennent clairsemés sur des kilomètres, à travers les banlieues et les faubourgs des villes, y développant des semblants de villes ou comme le dit Sieverts, des «paysages urbanisés».
Rendre à la ville son « intelligibilité », sa « lisibilité », son « accessibilité »
Ces paysages possèdent de nombreuses caractéristiques n’étant pas nécessairement appropriables par la ville ou encore la campagne. Ils ont leurs propres caractéristiques et développent leurs propres réseaux. La caractéristique proéminente de l’entre-ville réside sur la multiplicité des noyaux et centres qu’elle possède et sur son caractère diffus ; elle n’est ni ville, ni campagne. De nombreuses zones, très spécialisées ou encore très générales composent ces différents nœuds et forment l'entre-ville.
Il est important de noter également les nombreuses similitudes entre les différentes zones d'entre-ville dans le monde entier. L’analyse macroscopique tend à montrer généralement les mêmes choses, avec quelques variantes politiques et culturelles bien entendu, alors que l’analyse microscopique montre des différences socio-économiques relativement importantes. Les nombreuses "Zwischenstadt" sont toutes issues, du côté de la lisibilité, des nombreux développements urbains des années 1920 et 1930 : la Broadacre City de Wright, la Ville Radieuse du Corbusier ou encore les diagrammes de la ville américaine d’Hilberseimer. Bien que parfois des mélanges entre ces différents types de développement, il est important que l’entre-ville reste toujours constitué d’un réseau de communication lisible et d’un paysage cohérent perceptible.
Emscher Park : Revitalisation de la vallée de la rivière Emscher par la requalification de son patrimoine industriel | Source : emscherlandschaftspark-blog.de
Concepts de l’entre-ville
Bien que les concepts suivants soient reliés de près à l’urbanisme en général, il faut comprendre qu’ils sont d’abord et avant tout l’instrument de prédilection à l’analyse et la compréhension de l’entre-ville. Lorsque reliées entre elles et bien planifiées, ces notions aident à constituer ce que l’on peut appeler une «bonne ville» (Sieverts, 2001).
Urbanité
La qualité d’une ville offrant une urbanité exemplaire se caractérise principalement par une tolérance entre les citadins eux-mêmes et avec les étrangers. L’urbanité se lie directement à la connaissance du monde, l’ouverture d’esprit et la tolérance, l’acuité intellectuelle et la curiosité (Sieverts, 2001). Généralement, toutes ces valeurs sont représentées, dans la ville contemporaine, par l’extension de places publiques, de marchés, de cafés et d’espaces semblant rassembleurs et ouverts au monde. Cependant, la réelle urbanité réside a priori dans la réduction de l’espace privé, qui s’est accrue de plusieurs mètres carrés depuis le développement de la ville et du caractère privé des activités de tous les jours.
L’urbanité de l’entre-ville réside dans des lieux accessibles au public offrant une ambiance et des espaces propices à la rencontre, un peu comme ce que les campus américains offrent (d’une meilleure manière que la ville le fait actuellement). Ce qu’il faut retenir, c’est que l’urbanité doit être mise en scène, et non espérer qu’elle soit engendrée par la simple présence du public, sans la rendre comme un festival. Le meilleur exemple est le festival de la bière de Munich ; on ne voudrait pas vivre ainsi tous les jours, mais ceci est un bel exemple d’urbanité que l’on doit retrouver dans l’entre-ville (Sieverts, 2001).
Centralité
La Zwischenstadt se caractérise par une centralité mixte. Cette centralité se voit différente du centre-ville normal d’une ville, où tout y est, où l’on retrouve toutes les fonctionnalités. Contrairement à cela, l’entre-ville se voit composée de différentes centralités regroupant une fonctionnalité différente mais toujours complémentaire aux autres. La structure en réseau de la Zwischenstadt permet d’affirmer ce caractère particulier qu’entretien chaque ville. Bien conçu, le réseau de ces centralités offre tout à une distance de marche, empêchant le développement de grands stationnements pour les gens habitant trop loin. Il faut toutefois considérer que chaque ville a besoin de son centre, de son «milieu». Bien qu’il ne puisse se spécialiser par une fonctionnalité précise, c’est sa symbolique qui importe et qui lui donnera une certaine stabilité et importance au sein de la population (Sieverts, 2001).
Densité
La densité est régie par trois dimensions : la densité bâtie, la densité apparente et la densité sociale. Dans la Zwischenstadt, on vise une densité bâtie d’environ 0,4 à 0,6 de la surface de plancher brute par rapport à la surface de terrain. On préconise des constructions serrées et des maisons en bande de faible auteur (R+3 à R+4). On peut facilement comprendre que l’entre-ville mise sur la sauvegarde du sol et sur son utilisation pérenne. Malgré cela, bien que des espaces comme les écoles aient besoin de grands espaces verts, il faut comprendre qu’il est tout de même possible de limiter l’usage du sol en construisant sur plus d’étages, en innovant sur nos manières de construire au profit de la sauvegarde du territoire et ce, sans faire de compromis sur nos besoins, tant techniques qu’esthétiques. L’utilisation du sol émanant directement de l’écologie certes, mais elle a un grand impact sur la question d’esthétique du paysage.
La densité a un effet direct sur les couts associés directement au logement, des stationnements aux espaces de loisirs, en les transférant vers des espaces collectifs. Un bien meilleur bilan écologique serait possible grâce à la stabilisation et la réduction de la surface de logement que par la surdensification du bâti. Bien que plus que désirable, la densification tel qu’on l’a connue au début du 19e siècle est inatteignable ; les grands espaces publics où les enfants ont pu grandir et jouer ne sont plus les mêmes, la place de l’automobile étant beaucoup trop importante aujourd’hui si on considère la circulation automobile qui jadis, n’était pas la même qu’aujourd’hui. L’utilisation du territoire et la densité se voient donc être un aspect nécessaire à l’intelligibilité de la Zwischenstadt (Sieverts, 2001).
Les sites industriels ou les entre-villes modifiés bénéficient d’une certaine intensité de par leur densité remarquable (Piano, 2012). Ils offrent souvent une proximité relative par rapport aux centre-villes, facilitant leur accessibilité par les transports en commun. Ces brownfields sont les derniers lieux d’expansion disponibles dans les grandes villes. Lentement abandonnés et vidés de leurs fonctions industrielles, ils laissent place à de grandes friches et bâtiments ayant résisté aux affres du temps. Ce patrimoine contribue fortement à forger l’identité d’un territoire et encourage les concepteurs à conserver leurs caractéristiques historiques. Bientôt réhabilités en greenfields vivants, ces espaces seront empreints d’une densité bâtie souhaitée mais surtout d’une intensité souhaitable. On peut relier facilement le concept de densité à celui d’urbanité ; tous les bâtiments publics, lieux de rencontre, formels ou informels ou encore les places sont des endroits où des rituels deviennent coutume du présent et contribuent à la jouissance de moments communs entre les habitants.
Mixité
La mixité est le facteur le plus important à la recherche d’une bonne urbanité tout en permettant la réduction du trafic motorisé. Il faut comprendre que la mixité se doit d’offrir une variété de fonctions équilibrées aux habitants et aux différentes catégories de travailleurs tout en ne dégradant pas le plus sensible des ces usages : le logement. Afin d’obtenir une mixité convoitée, on doit arriver à une réunion des conditions suivantes :
«des entreprises de taille limitée (compatibles avec cette mixité), un contrôle plus efficace, à la source, du bruit, des odeurs et des nuisances du trafic (afin d’éliminer le principe de la tolérance réciproque), des sites répartis dans toute la ville et offrant des conditions équivalentes (afin qu’une offre abondante limite la baisse de la valeur des terrains présentant une surface importante) et enfin, […] une plus grande tolérance à l’égard des inconvénients urbains «normaux». (Sieverts, 2001).
Écologie
L’écologie, entendue au sens du rapport entre ville et nature, se base sur le principe de l’insertion de la ville durable au sein des équilibres naturels. Bien que la ville soit normalement opposée à la nature, l’humain se doit de contribuer à développer une ville respectueuse des systèmes l’entourant. L’entre-ville respectant l’écologie de son milieu se doit de fonctionner en circuit fermé. Les 4 autres conditions à l’entre-ville – urbanité, centralité, densité et mixité – doivent être utilisées à leur plein potentiel afin de pouvoir tout effectuer sur le site lui-même et d’éviter tout contact avec la nature, de la production au recyclage. Il faut viser une Zwischenstadt entre nature et culture, respectueuse de son contexte (Sieverts, 2001). La création de chaines alimentaires dans les villes elles-mêmes, la récupération et le traitement des eaux usées et des eaux de pluie sont tous des moyens à considérer afin de créer un entre-ville qui respecte son écologie (Ripl et al, 1997, cité dans Sieverts, 2001).
Urbanité et centralité
EuraTechnologies
L’urbanité dans le projet de Rives de la Haute Deûle prend forme avec la nouvelle dynamique du programme d’EuraTechnologies et les espaces publics servent de support à l’engouement du quartier et offrent des environnements de qualité pour les habitants.
Le projet d’EuraTechnologies se relie à deux des principaux enjeux de la métropole :
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Le développement d’une capacité et d’une qualité d'accueil des entreprises innovantes sur le territoire métropolitain par la création de sites dédiés d'envergure européenne et internationale.
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Le rayonnement national, européen et international de la Métropole Européenne de Lille dans le domaine du numérique, qui est incontestablement un moyen en même temps qu'un objet de promotion et de marketing internationaux.
C’est grâce à son programme complètement tourné vers le numérique qu’EuraTechnologies devient un pôle d’excellence offrant une plateforme internationale liée aux technologies de l’information et de la communication. Il soutient les jeunes entrepreneurs et offre les outils, l’aide et le soutien nécessaire pour le démarrage des projets et les accompagne tout au long de leur processus.
EuraTechnologies | Source : euratechnologies.com
Le bâtiment Le Blan Lafont est un élément important dans le concept d’urbanité. Il se définit comme étant le cœur structurant des Rives de la Haute Deûle et permet d’offrir :
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Un milieu complet regroupant la recherche, la formation et l’entrepreneuriat au sein du même établissement.
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Plus de 250 experts offrant leurs services aux nouvelles entreprises et start-ups de la région.
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Des espaces tertiaires high-tech, un incubateur d’entreprises TIC ainsi que des espaces communs, de socialisation et rencontre, accessibles à tous, répondant au besoin de la population.
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Des liens privilégiés avec La Silicon Valley, Dubaï, New York, Shangaï, Belo Horizonte et d’autres secteur reconnus à l’international dans le domaine de l’informatique.
Grâce au programme de Euratechnologies, la ZAC du 1er secteur opérationnel devient une zone de développement économique imposante et fait apparaître une nouvelle dynamique résidentielle dans le secteur issu de l’attractivité généré par ce nouveau programme.
Espaces publics
Les espaces publics jouent un rôle important dans le concept d’urbanité. Ceux-ci servent de support pour les activités du quartier et offre des ambiances et des espaces propices à la rencontre. Ces espaces servent à la fois de lieux de promenade et de baignade, ainsi que de lieux polyvalents à grande et petite échelle.
Les places publiques se situent pour la plupart proche des principales voies de circulation. À grande échelle, le projet de Rives de la Haute Deûle souhaite réaménager les espaces publics autour des 7 grandes zones :
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La grande pelouse
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Le quai
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Le parc des berges
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La traverse
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La promenade
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La voie parc des saules
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La voie-parc de la tortue
Les espaces publics | Source : PDAA 2017
Présentement, les espaces publics ayant été aménagés se concentrent à l’intérieur du périmètre de la ZAC du 1er secteur opérationnel. Au cœur du secteur, la grande pelouse et les jardins d’eau font partie intégrante d’EuraTechnologies. Les grandes places publiques près d’EuraTechnologies sont utilisées pendant la semaine comme lieu de prédilection pour le diner ou simplement comme espace de détente. Les fins de semaine, des usages de loisir se développent sur les installations et la communauté profite des espaces verts à leur disposition.
Les espaces publics font près de la moitié de la superficie de la ZAC, la totalité des espaces publics prévus à l’intérieur du périmètre opérationnel correspondant à 30% de l’emprise foncière. Outre la grande pelouse et les jardins d’eau, les espaces publics s’articulent à proximité du parc de la Tortue (au cœur du secteur Marais Sud), la pointe Boschetti et la rue M.L Delwaulle prolongée (dans le secteur Gallieni - Anatole France).
Les espaces publics | Source : PDAA 2017
L’aménagement de ces secteurs reste inachevé, mais le projet souhaite développer le parc de la tortue en parc linéaire, renforcer la polarité de la pointe Boschetti et créer sur la gare d’eau un port de plaisance, puis finalement, prolonger le maillage des voies douces Nord-sud et Est-Ouest dans les secteurs du Marais Sud et de Galliéni / A.France.
Localisation des espaces publics | Source : Axoneo 2015
Les espaces publics offrent une grande variété de lieux. On retrouve principalement 3 types : les allées piétonnes, les squares verts (Grande pelouse) et les places. Disposés le long des principales voies de circulations et des éléments marquants dans le paysage, ces espaces offrent diverses ambiances et paysages. Ils servent comme support à la biodiversité et à la mise en valeur de l’eau, des enjeux important qui font partie du projet des Rives de la Haute Deûle.
De plus, la biodiversité de ces lieux permet d’améliorer le confort des usagers. Plusieurs allées piétonnes offrent non seulement des lieux de passage sécurisés pour les piétons et les cyclistes, mais aussi des petites places de rencontre informelle au milieu d’un environnement naturel et plaisant.
Malheureusement, on perçoit une dichotomie entre les espaces existants à l’extérieur du périmètre de la ZAC et les espaces nouvellement construits à l’intérieur de celle-ci. La majorité des espaces dégradés se retrouvent en bordure de la ZAC. Même s’ils font la continuité des certaines voies importantes, ces éléments restent en mauvais état, pour l’instant. De plus, plusieurs places publiques restent à construire, ce qui limite les activités de grande envergure aux zones de la grande pelouse et des jardins d’eau.
État général de l'espace public | Source : Axoneo
Centralité
La centralité se lie dans le projet à deux échelles distinctes, qui mettent en valeur le pôle technologique EuraTechnologies. Ce pôle d’excellence s’imbrique dans le système de pôle d’excellence de la métropole. Il se distingue par sa saveur numérique et permet de regrouper les expertises nécessaires à cette spécialité. À l’échelle du quartier, EuraTechnologies sert de pôle économique pour les Rives de la Haute Deûle et se situe comme étant l'une des trois zones polaires importantes du quartier.
Polarité | Source : PDAA 2016
L’axe polaire d’EuraTechnologies s’étend de la place de Bretagne à la place de la Gare d’eau. On y retrouve principalement des commerces de restauration qui répondent aux besoins des travailleurs tout en créant une suite des petites places publiques. Trois grandes places servent de lieu structurant, soit la grande pelouse, la place de Bretagne et la place de la Gare d’eau. Elles offrent des espaces de rencontre et de loisir, tout au long des journées. Le bâtiment Lebanc Lafont marque le paysage en tant qu’emblème historique. Son importance dans le quartier, fait de cet espace un lieu d’attraction pour le secteur des Rives de la Haute Deûle.
Les pôles de proximité se situent sur le square de la mairie de quartier et sur l’amorce du jardin de la Tortue. Ces sites offrent des équipements publics pour le quartier. On y retrouve évidemment la mairie et dans l’avenir, une école.
Finalement, le pôle de plaisance et de loisir se situant dans le bassin de la Gare d’eau viendra s’affirmer dans les années à venir. Cet espace offrira des petits commerces à proximité de la Gare et des futures installations du Port de Plaisance. De plus, on prévoit l’instauration de bâtiments ayant des fonctions culturelles et touristiques.
La proximité et la diversité des différents secteurs à forte polarité, nous permettent d’affirmer que le concept de centralité est très présent dans la ZAC du 1er secteur opérationnel. Le bâtiment d’EuraTechnologies est un symbole culturel et identitaire structurant pour le quartier, qui se rattache à un écosystème des zones spécialisées. Le besoin des habitants et travailleurs du secteur est comblé par les différents usages, propres à chaque lieu. Par contre, on peut se questionner sur la demande actuelle des habitants. Le projet propose une vision à long terme qui néglige les besoins de la communauté actuelle. Il y a présentement beaucoup de développement en lien avec les habitations, les infrastructures déjà en place n’étant pas suffisantes pour les besoins de nouveaux arrivants. En effet, le secteur manque présentement d’infrastructures scolaires, de commerces et de places publiques. Il n’y a pas de marché envisagé, mais plutôt des petits commerces qui seront installés à proximité du bâtiment d’EuraTechnologies.
Densité et mixité
Densité
Le projet urbain se distingue par sa forte densité, largement supérieure à la moyenne du territoire environnant. Cette dernière sera traitée de manière adaptée, soit plus forte au cœur du projet et s’amenuisant dans les interfaces en périphérie avec l’existant.
Dans ce projet, densité est arrimée avec qualité d’espaces publics, où sa supériorité moyenne aux quartiers environnants s’explique par la présence et la production d’espaces publics d’envergure métropolitaine, soit près de la moitié de la surface de la ZAC. Les principes de l’entre-ville, en ce qui concernent la densité, visent une utilisation pérenne et une préservation du sol. À cela, il faut trouver des manières de construire sur plus d’étages en limitant l’usage du sol, ce qui est constaté dans l’analyse urbaine du secteur d’EuraTechnologies. Ainsi, l’utilisation du sol est intrinsèquement reliée au concept d’écologie certes, mais en continuité avec la question d’esthétique du paysage.
Dans le secteur opérationnel, trois échelles de densités sont mises en œuvre en fonction des secteurs. Dans la section « Marais Sud », le Coefficient d’Occupation des Sols (COS) est proche de 1,5. La densité étant alors similaire à celle existante sur l’île des Bois Blancs, donc à la rencontre des quartiers existants. Parallèlement, suivant la même logique, plus au nord, soit dans le secteur Anatole France, une densité intermédiaire (entre 1.7 et 2.2) est prévue pour maintenir une cohérence urbaine. Le secteur de la « pointe Boschetti », un programme de haute densité, aura un COS se rapprochant de 3.
Le concept d’entre-ville aborde la question des sites industriels en soulignant l’importance du caractère patrimonial urbain et comment il participe à forger l’identité du territoire, où le concepteur est appelé à conserver leurs caractéristiques historiques. À cet effet, un des principes de design caractéristique de la densité urbaine du projet urbain se retrouve dans le concept de plaques programmatiques. Tel qu’indiqué dans l’image ci-dessous, l’emprise au sol des îlots projetés partent tous d’une base commune, soit l’empreinte occupationnelle des industries environnantes. Cela garantit une certaine cohérence dans le tissu urbain, où la densité urbaine est cadrée par une plaque programmatique, où jardins, logements et bureaux cohabitent dans le même espace, qui jadis aurait juste été une industrie. La hauteur et la forme des bâtiments respecte alors un cadre, où chaque ilot devient une variante. (image ci-dessous)
Mixité
« because the different activities, forms and people provide a rich perpetual mix, different users interpret the place in different ways: it takes on varied meanings. » (Bentley, 1985, p 26)
Sommairement, le concept de mixité présenté par Bentley se retrouve comme le deuxième point d’importance, dans l’optique d’obtenir un bon projet urbain. Ce concept se transpose et s’applique à plusieurs niveaux différents, allant de la mixité de la forme du bâti à celle des différents types d’activités, jusqu’à celle des types de résidents. Le bon mélange de ses composantes permet d’offrir une variété de choix expérientiels aux utilisateurs. Le but ultime de pouvoir la mixité dans la planification urbaine est de permettre d’augmenter le nombre de choix.
La mixité métropolitaine
Tel que présenté dans le schéma de mixité métropolitaine, l’ensemble du territoire environnant se distingue par une mixité visible, où il est possible de constater que l’urbanisation des quartiers des Rives de la Haute Deûle s’appuie sur celle-ci et renforce l’identité de son site par la cohabitation des espaces de logements et de bureaux. Ainsi, à l’échelle du grand territoire, le quartier des Rives de la Haute Deûle complémente et cohabite avec les zones d’habitations environnantes, de zones commerciales, les espaces agricoles, les activités industrielles et artisanales environnantes.
La mixité des activités proposées
Dans l’ensemble, le projet cherche à promouvoir un équilibre entre logements, bureaux, activités de loisirs, services et équipements publics. Cela serait tributaire de la volonté de la métropole Lilloise de se doter d’un projet rassembleur et diversifié en usages, se dissociant des anciennes vocations industrielles et ouvrières. Cependant, en ce qui concerne la mixité des activités proposées autour du secteur d’EuraTechnologies, elle semble manquer d’attrait face aux travailleurs, contribuant moins à l’animation urbaine du secteur. À cet effet, bien que le site regroupe environ 80 entreprises et fournit 2000 emplois à l’heure actuelle, EuraTechnologies se compose majoritairement d’hommes dans la trentaine, qui ne résident pas forcement dans les quartiers environnants et semblent moins enclins aux activités sociales et de quartier. Cela permet de constater que l’apport urbain d’EuraTechnologies aux quartiers des Rives de la Haute Deûle est encore limité, malgré son rayonnement à l’échelle international. Afin de permettre un meilleur maillage entre la technopole et la vie de quartier, les prochaines phases du projet auraient avantage à revoir certains de ces aménagements urbains.
La mixité des activités est en lien direct avec le concept de centralité. En effet, le projet souhaite développer des zones à forte polarité avec des usages spécifiques. Le secteur du Marais sera consacré à une offre de logement principalement sur le parc de la Tortue. Le secteur Gallieni-Anatole France, se développera selon son caractère commercial qui est en lien avec le bâtiment d’EuraTechnologies à proximité. Finalement, le secteur de Boschetti souhaite développer des « bâtiments hybrides » visant la cohabitation des équipements culturel, des espaces associatifs, du commerce, du logement, etc.
La mixité du bâti et mixité social
À l’échelle du projet urbain, le renouvellement des quartiers des villes de la Haute Deûle aide à promouvoir un équilibre entre logements, bureaux, activités de loisirs, services et équipements publics. Les concepteurs s’inspirent du mode d’occupation existant, soit les grands îlots industriels, construits à pratiquement 100 %, pour concevoir ce qu’ils appellent leurs plaques programmatiques.
Les plaques programmatiques en plus de contribuer à la densité du quartier, permettent également d’offrir diverses typologies d’habitation afin d’assurer une mixité sociale, allant des maisons de ville au petit collectif.
Le projet souhaite mettre en œuvre des programmes de logements diversifiés qui se traduisent par :
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35% de logement locatif d’insertion
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5% logement à loyer intermédiaires
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12.5% d’accession sociale
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12.5% d’accession maîtrisée
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35% de logement libre
La mixité métropolitaine | Source : PDAA 2016
Écologie
D’une grande envergure, le projet des rives de la Haute Deûle repose sur de nombreux critères qui composent l’entre-ville. Parmi ceux-ci, on retrouve un enjeu très important dans la société contemporaine : l’écologie. Cependant, bien avant de parler du positivisme du projet, on retrouve certaines contraintes environnementales qui, dans l’immédiat de la construction, posent problème.
C’est en fait le phasage des travaux échelonné sur plusieurs années qui engendre des dérangements allant d’un impact très faible à moyennement important tant pour les utilisateurs que pour la biodiversité. On considère dans les impacts temporaires le bruit de la machinerie lors des chantiers, les émissions de GES produites, les nuisances visuelles de la présence d’une telle machinerie, etc. Certaines problématiques sont aussi présentes en ce qui a trait aux écosystèmes sur le site. Abattage d’arbres détruisant des nids d’oiseaux ou encore destruction des terrains de chasse de différentes espèces sont des impacts du chantier sur l’environnement immédiat du site. Toutefois, il est certain que l’on a prévu, pour chacun de ces impacts, des mesures préventives afin d’alléger leur fardeau sur le site. Par exemple, le dérangement des espèces nocturnes par la luminosité des chantiers sera pallié grâce à la mise en place d’un éclairage adapté et peu impactant, le problème des déplacements d’espèces par l’aménagement d’espaces verts éco-paysagers qui pourront être utilisés par la faune du secteur, etc. Un autre problème est l’arrivée de déchets superflus sur le site. La destruction de certaines installations (qui génèrera à elle seul de 15,000 à 33,000 tonnes de déchets) et la création de déchets du au nombre grandissant d’usagers sur le site sont des problèmes qui devront être résolus à l’aide d’une gestion intelligente des rebuts en optimisant le circuit de la collecte des déchets partout sur la ZAC.
L’aménagement et les travaux sur le site engendreront également des augmentations de consommation de carburant de l’ordre de 11,7% à 13,2%. C’est pourquoi le projet des Rives de la Haute-Deûle prévoit de nombreuses mesures qui encourageront les gens à opter pour des stratégies plus vertes :
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Limiter la place de la voiture dans l’espace public en l’éloignant des milieux de vie;
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Favoriser de l’utilisation de modes de transports doux;
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Développement de l’usage des transports en commun en développant l’offre sur le site même;
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Réservation d’emplacements pour implanter des bornes d’autopartage;
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Aménagement d’espaces de stationnement cyclables généreux, couverts et sécurisés;
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Etc.
En termes de chiffres, on retrouve deux fois plus de surface dédiée aux piétons et aux cyclistes qu’aux véhicules, ce qui montre la prépondérance du site à miser sur les modes de transport doux. Sur les 25 hectares actuellement bâtis, plus du quart sont alloués à des espaces verts alors que 10 de ces 25 hectares, verts ou construits, sont de l’ordre des espaces publics (EUMayors, 2018, p. 2).
Dans une optique de conservation et de valorisation du site, le projet a favorisé l’utilisation de nombreuses stratégies afin de minimiser les impacts sur l’environnement. Premièrement, l’épine dorsale de cette stratégie repose directement sur la reconnaissance du patrimoine industriel. Se basant principalement sur la reconversion de l’ancienne filature de coton et de lin Le Blan Lafont comme point de repère dans le paysage, on note la présence de nombreux autres bâtiments ayant été conservés afin de minimiser l’impact du projet sur l’environnement. De plus, la valorisation et la mise en scène de la présence de l’eau sur le site, aide à poursuivre les objectifs environnementaux du projet, ne serait-ce que par l’omniprésence de la Deûle et de ses canaux ou par l’aménagement de différents jardins d’eau, dont celui se trouvant devant l’ancienne filature. On peut également compter sur un respect de la structure des voies préexistantes, minimisant les nouvelles constructions et les chantiers lourds.
Le développement durable est un aspect important du projet des Rives de la Haute Deûle. Effectivement, il mise sur plusieurs thématiques afin de concrétiser ses attentes et préoccupations face à son impact sur l’environnement :
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gestion exemplaire des eaux pluviales limitant leur apport dans les réseaux, lorsque possible ;
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maintien de maillages verts sur les parties publiques et privées;
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diminution de la consommation d’énergie dans les bâtiments dans le but d’obtenir un label de certification (label éco-quartier).
Bien que le site ne contienne pas seulement des bâtiments réhabilités, le projet vise des exigences très hautes en ce qui a trait à l’architecture durable. Le choix de matériaux nobles est de mise afin de minimiser l’impact visuel des nouvelles constructions. La consommation énergétique se doit d’être réduite énormément vu l’imposition de performances énergétiques très élevées, privilégiant particulièrement les énergies renouvelables.
Lisibilité
Selon Ian Bentley, la lisibilité est le facteur qui influence la compréhension que les usagers ont de l’espace urbain et qui facilite leur orientation dans la ville. Il s'appuie alors sur l'étude de Kevin Lynch qui propose lui de s'attacher à la lisibilité du paysage urbain comme la capacité d'en reconnaître les éléments distinctifs et de les organiser en un schéma clair et cohérent. La représentation mentale que l'on se fait du lieu dit permet alors de qualifier ce facteur de lisibilité. Le quartier des Rives de la Haute-Deûle a donc été analysé selon les 5 critères définis par Lynch, à savoir :
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les voies : rues, canaux, chemins de fer, etc. le long desquels les utilisateurs se déplacent ;
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les limites : éléments linéaires le long desquels les utilisateurs ne se déplacent pas, comme un cours d'eau, une autoroute, un mur, etc. ;
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les secteurs : parties de villes identifiables par leurs caractère général et utilisées comme repère ;
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les nœuds : points stratégiques de déplacement, divisés en points de jonction (lieu où l'on change de système de transport, carrefour, etc.) et points de concentration (place fermée, point de rencontre, voire centre), les nœuds font souvent partie des deux catégories ;
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les points de repère : points stratégiques visuels, qui servent de repère externe. Ils peuvent être lointains et vus de multiples endroits (tours isolées, boisé, oeuvre d'art, etc.), ou être plus locaux (magasin, enseigne, arbre, etc.).
On constate ici que le quartier analysé est marqué par deux importantes limites que sont deux bras du canal de la Deûle. On retrouve également différents points de repères le long des voies principales, souvent proches des noeuds. Quelles sont alors les influences de ces limites, sont elles vraiment des limites ou des barrières ? Quels rôles jouent les voies ? Que signifient les points de repères ?
Secteurs
IMAGIBILITÉ La forme visuelle des Rives de la Haute-Deûle (LYNCH) | Source : Par les auteurs
Les voies
Constituant l’élément le plus significatif de l’analyse de Kevin Lynch, les voies agissent en premier dans la lisibilité du lieu. Ce sont par elles que gravitent les flux de circulation, ce sont elles qui génèrent le mouvement, et donc elles qui permettent aux usagers d'aller et venir, plus ou moins facilement. Dans le cas des Rives de la Haute-Deûle, les voies sont très clairement hiérarchisées [Schéma 1]. Le quartier est desservi par des artères de circulation tel que l'Avenue de Dunkerque qui supporte un flux automobile constant [Schéma 2], et qui supporte également des accès au métro [Schéma 3]. Des routes secondaires permettent aux voitures, piétons, et vélos de se rendre plus au coeur du quartier et offrent la possibilité d'explorer le site. Enfin, des chemins, plus petits, presque sentiers, sillonnent plus en profondeur encore les ilots de bureaux et de logements [Schéma 4]. Ces voies secondaires font le lien entre les différents éléments en marge des voies principales et augmentent l'accessibilité aux différents secteurs. Ainsi, usagers comme visiteurs peuvent alors vivre, sentir, et découvrir l'écoquartier de différentes manières, de la voiture aux modes transports doux.
La multiplicité des voies et de leurs échelles offre alors une assez bonne lisibilité du site. De plus, les différentes textures de sol augmentent ce sentiment de jeu d'échelle en distinguant très clairement les voies les unes des autres. En effet, on retrouve par exemple des voies asphaltées (voiture), pavées (piétons), ou encore formées de béton alvéolaire (piéton, vélo), toujours dans l'objectif d'offrir aux usagers un choix de déplacement varié.
La carte précédente exprime cependant une certaine discontinuité dans le tracé des voies. En effet, bien que bien réparties et continues dans la partie nord du projet, les voies de circulation, qu'elles soient piétonnes ou automobiles, viennent s'éteindre une fois la Deûle atteinte. Cette limite physique est alors vécue comme une barrière et empêche les jonctions directes entre Lomme et Lille, hormis aux extrémités est et ouest des Rives de la Haute-Deûle qui relient les quartiers limitrophes par des ponts.
Bois
Blancs
Avenue de
Dunkerque
Deûle
Haute-Deûle
EuraTechnologies
LILLE
LOMME
Les limites
Malgré une forte perméabilité dû à un réseau de voies complet et lisible, ainsi qu'à une bonne connexion au réseau de transport en commun, différentes limites s’établissent périphérie du quartier. Contraignantes pour les usagers, ces limites sont, tout comme les voies, sujettes à une certaine hiérarchisation. Kevin Lynch désigne les limites comme des éléments linéaires le long desquels les utilisateurs ne se déplacent pas, comme un cours d'eau, une autoroute, un mur, etc. Cette définition induit la notion de limite au sens de barrière, visuelle ou physique, ou les deux. Il ne s'agit donc pas d'une voie comme décrite précédemment.
Ici, les principales limites ressenties sont le bras du canal de la Deûle ainsi que la Haute-Deûle, au sud. Ces deux cours d'eau cernent principalement le quartier des Bois Blanc et limitent la circulation entre les villes de Lille et de Lomme [Schéma 5]. Bien que la Haute-Deûle soit aisément franchissable, la Deûle, réservée au commerce fluvial, entraine une perte de perméabilité. En effet, la présence du port industriel empêche toute connexion entre les Rives de la Haute-Deûle et Lille, plus au sud. [Schéma 6].
La Deûle agit donc comme une limite, qui additionnée à la présence du port de Lille devient une barrière. Cette barrière bloque à la fois le passage des usagers sur des centaines de mètres, mais bloque également toute connexion visuelle avec le reste de la ville de Lille, brouillant la lisibilité à l'échelle de la ville. La mise en place d'un nouveau pont sur la Deûle permettrait une liaison continue entre l'écoquartier au nord et Lille plus au sud, diminuant l'impact négatif du canal [Schéma 7].
Finalement, par leurs fortes présence, la Haute-Deûle comme la Deûle, participent tout de même à augmenter la lisibilité à l'échelle du quartier et permettent aux usagers de se situer rapidement. Il constituent ainsi des points de repères évidents et participent à l'organisation du paysage urbain.
Les limites ont donc ici une action autant positive que négative sur leur environnement direct.
Les noeuds
Les nœuds se définissent comme des points stratégiques de déplacement, divisés en points de jonction (lieu où l'on change de système de transport, carrefour, etc.) et en points de concentration (place fermée, point de rencontre, voire centre), les nœuds font ainsi souvent partie de ces deux catégories. Le quartier des Rives de la Haute-Deûle est ponctué de plusieurs de ces lieux clés qui servent de repères et marquent le site par leur importance [Schéma 8]. C'est en partie en périphérie du quartier que l'on retrouve des noeuds, plus ou moins importants. Ces noeuds sont les croisements entre les les voies d'accès à l'écoquartier et les voies de transit. Ces noeuds sont essentiels pour la lisibilité du site car c'est par eux que se font les accès principaux. On retrouve, par exemple, l'intersection entre l'avenue de Dunkerque et la rue Hegel. Cette voie d'entrée est marquée par un changement de matérialité pour le cheminement piéton, matérialité qui participe à la lecture du site et à accueillir les usagers [Schéma 9]. À égale distance de noeud principal, environ 300 mètres se trouvent deux noeuds secondaires, qui correspondent aux stations de métro les plus proches. Ces stations permettent de desservir efficacement le quartier. Un très grand nombres d'usagers transitent donc par ces lieux pour se rendre en direction d'EuraTechnologies.
On retrouve aussi plusieurs nœuds d’importances différentes en parcourant le quartier. Le carte des nœuds qui est présenté ci-dessous présente certains des principaux endroits clés qui deviennent des pôles d’attraction pour les riverains et usagers. Ce sont généralement à ces intersections que l’on retrouve les zones importantes, telles que l’accès au pôle technologique, point central du projet, offrant alors un accès à des points de rencontre et des places publiques [Schéma 10]. D'autres noeuds font les jonctions entre les secteurs importants supportants des flux de circulations piétonnes et automobiles majeurs. Le pont à Fourchon est un de ces noeuds, faisant le lien entre le secteur nord dédié au pôle technologique et le secteur sud à vocation résidentielle.
Ainsi, les noeuds sont ici très clairement identifiés, soit en point stratégique de déplacement, soit en point de concentration des activités. Les noeuds existants sont tout à fait efficaces et améliorent la lisibilité du projet. Cependant, il sont ici en nombre insuffisant. Les places publiques mériteraient d'être multipliées afin de ne pas faire de la zone d'EuraTechnologies l'unique point rassembleur du quartier. De plus, les noeuds et les voies étant deux entités complémentaires, augmenter le nombre de connections vers les quartiers limitrophes augmenterait en parallèle le nombre de noeuds stratégiques, et par la même, la lisibilité de l'écoquartier.
Les points de repère
Différents des noeuds, les points de repères sont, d'après Ian Bentley, des points stratégiques visuels, qui servent de repère externe. Ils peuvent être lointains et vus de multiples endroits (tours isolées, boisé, oeuvre d'art, etc.), ou être plus locaux (magasin, enseigne, arbre, etc.). L'écoquartier des Rives de la Haute-Deûle est ponctué de ces points de repère, diversifiants l'expérience des usagers et soutenants la lisibilité générale [Schéma 11]. La carte ci-dessous localise ces principaux repères. On comprend alors que les noeuds sont généralement des lieux où l'on retrouve des points de repère. Les sorties de métro sont des repères importants permettant aux usagers de trouver rapidement leur chemin, que ce soit en arrivant ou en sortant du quartier [Schéma 12].
Ancien pôle industriel majeur de la ville, le quartier des Rives de la Haute-Deûle bénéficie de différents points de repères issus de son patrimoine. Le plus important d'entre eux est sans aucun doute l'ancienne usine textile Leblan Lafont, aujourd'hui EuraTechnologies. Véritable château de l'industrie, cet immense édifice de briques est ancré dans l'image mentale de la plupart des lillois. De plus, sa position centrale en fait à la fois un point de repère mais également un point de rassemblement indéniable, d'autant plus grâce au Jardin Leblan Lafont lui faisant face, un autre point de repère indiscutable [Schéma 13]. D'autres de ces vestiges patrimoniaux sont aujourd'hui en reconversion dans le but d'augmenter leur effet attracteur et leur impact dans leur environnement direct, tant visuellement que mentalement. C'est le cas par exemple de la place de la Gare d'Eau, ancienne gare fluviale industrielle, transformée en une place publique, elle-même encadrée par un projet mixte résidence/commerce [Schéma 14].
Ainsi, ensemble, ces points de repères accentuent d'autant plus la lisibilité. Les usagers les situent facilement et se fient à eux pour se repérer dans le quartier. Leurs positions, à la fois internes et externes aux limites franches du projet permettent de se faire une carte mentale de l'ensemble de l'écoquartier relativement facilement.
Les secteurs
À caractère plus abstrait, les secteurs sont des parties de villes identifiables par leur caractère général et utilisés comme repère. La taille d'un secteur va alors varier en fonction de l'échelle d'étude. Dans le cas de l'écoquartier des Rives de la Haute-Deûle, différents secteurs se dessinent clairement [Schéma 15]. Que ce soit par leurs usages ou leur situation géographique, ces secteurs définissent différentes atmosphères. Ces atmosphères procurent des expériences variées et sont relativement faciles à identifier pour les usagers. Les secteurs s'organisent en strates. Le premier secteur, au sud, est constitué par le Port de Lille, il est donc la frange qui isole les Rives de la Haute-Deûle de Lille et il est facilement reconnaissable par son architecture industrialo-portuaire [Schéma 16]. En remontant au nord, un deuxième secteur se dessine. Ce secteur forme la frange sud de l'île des Bois Blancs. Il est principalement constitué d'espaces verts [Schéma 17]. Le secteur suivant propose une densité architecturale plus forte et une intensité soutenue par de nombreux logements collectifs et individuels à proximité d'activités. La frange supérieure constitue elle la partie sud du quartier des Rives de la Haute-Deûle à proprement parler. Il s'agit d'un secteur en reconstruction qui propose de nombreuses résidences de logement s'inscrivant dans une politique de mise en valeur du patrimoine industriel, d'où l'utilisation presque obligatoire de la brique imposée aux nouvelles constructions [Schéma 18]. On retrouve ensuite le secteur autour du bâtiment EuraTechnologies, secteur principalement dédié aux activités tertiaires et donc composé majoritairement d'ensembles de bureaux. Le dernier secteur identifié, au nord-est constitue la frange avec le centre de la ville de Lomme et avec l'artère principale qu'est l'avenue de Dunkerque. Ce secteur, comme le secteur des Bois-Blancs, est en partie dédié au logement.
Finalement, le projet d'écoquartier des Rives de la Haute-Deûle tend à unifier ces différents secteur en favorisant la mixité programmatique et sociale et en les connectant les uns aux autres, augmentant ainsi la perméabilité du quartier.
Plaques paysagères | Source : Atelier Pranlas Descours Architectes
Densité | Source : Atelier Pranlas Descours Architectes
Plaques programmatiques | Source : Atelier Pranlas Descours Architectes
Usages ZAC du 1er secteur opérationnel | Source : Par les concepteurs
Variation des typologies | Source : Atelier Pranlas Descours Architectes
Perméabilité
L'écoquartier des Rives de la Haute-Deûle tente de privilégier une trame de rues perméables et des îlots de faible taille afin de faciliter les déplacements des usagers, que ce soit en voiture, à vélo, ou à pieds.
À grande échelle, le quartier communique principalement avec la ville via l'avenue de Dunkerque, principale artère reliant Lille à Lomme [Schéma 19]. Cette avenue ne dessert pas directement le quartier mais offre un accès rapide au secteur, que ce soit en automobile, en vélo ou en transports en commun. Des rues secondaires permettent elles de relier l'avenue au centre du quartier.
En se développant aux frontières entre deux quartiers densément bâtis, le projet n'a pas de difficultés à se connecter aux secteurs limitrophes. En effet, la trame de rues est déjà installée. Le travail consiste alors à adapter ces rues pour les rendre conviviales, c'est-à-dire donner autant d'importance aux déplacements piétons qu'aux déplacements motorisés [Schéma 20].
Le projet a la volonté d'offrir le plus d'espace possible aux déplacements doux, au détriment de l'automobile, rendant parfois les déplacements motorisés difficiles. Le quartier est donc ponctué d'une alternance entre voies piétonnes et voies automobiles offrant une grande perméabilité avec toute la partie au nord du canal de la Deûle. À l'inverse, la partie sud des Rives de la Haute-Deûle souffre dans grand enclavement. En effet, le Port de Lille est une imposante structure datant de 1935 qui ne peut être déplacé car son emplacement stratégique en fait un point névralgique de la ville, tant d'un point de vue morphologique qu'économique. Le projet de la Métropole ne prévoit pas la création de liens entre l'île des Bois Blancs et le Port de Lille. La perméabilité de l'ensemble du site est donc remise en question au sud du quartier.
En ce qui concerne la perméabilité visuelle, elle est au coeur des attentions, notamment dans le secteur d'EuraTechnologies. Cerné par une large frange bâtie, ce vaste espace tente de cadrer un maximum de vues vers l'ancienne usine Leblan Lafont, symbole fort du projet, repère important pour les usagers. De plus, les différents ponts faisant lien entre la partie nord et la partie sud du projet offrent des vues paysagères axées sur le canal, et offrent par la même occasion une certaine respiration dans un quartier densément bâti [Schéma 21]. Cette perméabilité permet de varier les ambiances et de donner des points de repères évidents, soutenant ainsi la lisibilité du quartier. Cependant, ancien pôle industriel, les Rives de la Haute-Deûle sont façonnées par de nombreux bâtiments industriels de tailles imposantes qui nuisent par endroit à la perméabilité visuelle et fonctionnelle, devenant ainsi des barrières. Se pose alors le dilemme de la conservation du patrimoine au détriment de l'habitabilité d'un site. Doit-on tout conserver ?
Schéma 20 | Pérméabilité | Source : Par les auteurs
ANALYSE
Le projet de renouvellement urbain des Rives de la Haute Deûle réussit dans son ensemble à répondre aux principes d’aménagement pré-établis, soit le désenclavement des anciens faubourgs ouvriers, l’offre d’une nouvelle mixité urbaine et fonctionnelle, et la réutilisation intelligente du patrimoine industriel existant. Globalement, le projet parvient à encourager le développement durable et offre une trame urbaine à l’échelle humaine.
Cependant, le projet de requalification urbaine n’est pas sans défauts en matière de qualités urbaines. En analysant le projet selon les différents concepts clés de l’entre-ville, il est possible de remarquer certaines discontinuités urbaines.
Mixité sociale ? oui, mais jusqu'à quel point. La cohabitation internationale et local au sein d’EuraTechnologies fait en sorte que les jeunes branchés dans la trentaine qui travaillent sur les Rives de la Haute Deûle, habitent, pour la plupart, à l’extérieur du quartier. Comme ils n’habitent pas au sein du quartier, ils ne s'investissent pas pour ce quartier, et leurs allées et leurs aller-retours quotidiens génèrent des flux problématiques. De plus, ce projet priorise les circulations douces et les transports en commun actifs de telle façon que nous pouvons même sentir le désir d’exclure la voiture du site. Or, les stratégies et les infrastructures actuelles ne sont pas tout à fait au point pour réduire l’usage de l’automobile dans ce secteur et son usage en devient compliqué.
Par ailleurs, le phasage dans la planification du quartier s’étend jusqu’à 2032, ce qui fait que le quartier des Rives de la Haute Deûle est toujours en partie un chantier en construction, donc certains services et infrastructures importants sont actuellement manquants. C’est le cas des stationnements en silo prévus qui ne sont pas tous construits. Ces infrastructures manquantes créent des problématiques importantes dans le quartier auxquelles les habitants devront faire face jusqu'à l’achèvement des travaux.
Finalement, l'enclavement géographique n'est plus un problème pour le secteur (accès par Métro, implantation d’usage polaires qui attirent les gens dans cette ancienne zone désinvestie), et il est possible de constater que le quartier se développe en cohabitation avec le Port de Lille et la zone industrielle toujours active. Malheureusement le quartier ne pourra pas complètement se connecter avec le tissu urbain de Lille, étant donné la forte présence de cette plateforme multimodale de 12 hectares, support de l'activité économique régionale.
CONCLUSION
LIVRES
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BENTLEY I. (1985), Responsive environments : a manual for designers, Londres : Architectural Press.
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LYNCH K. (1999), L’image de la cité, Paris : Dunod.
Entre-ville
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CHALINE C. (1999), La régénération urbaine, Paris, collection Encyclopédique.
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LE GARREC S. (2006), Le renouvellement urbain, la genèse d’une notion fourre-tout, Éditions Lavoisier.
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RAMBERT F. (2015), Un bâtiment, combien de vies ? La transformation comme acte de création, Paris, coédition Cité de l’architecture et du patrimoine (Paris) et Silvana.
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SIEVERTS T. (2004), Entre-ville. Une lecture de la Zwischenstadt, Éditions Parenthèses.
ARTICLES
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Benali, K. (2012), La reconversion des friches industrielles en quartiers durables : Aperçu théorique, Cahiers de géographie du Québec, 56(158), 297-312, https:// doi.org/10.7202/1014548ar
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Deshaies, M. (2006), Introduction, reconversion et renouvellement des espaces industriels et urbains dégradés, Revue Géographique de l’Est [En ligne], vol. 46 /3-4.
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ELEB-HARLÉ N. et BERTHIER S. (2007), Construire la ville sur la ville : l’affaire d’une génération, Article publié dans l’ouvrage collectif : Europan France 1988-2007 : Innover Dialoguer Réaliser, éd. Jean Michel Place.
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LE SCELLER T. (2017), Dossier d'étude d'impact projet urbain des rives de la Haute-Deûle - Euratechnologies - Lille - Lomme, Au nom et pour le compte de la MEL, la ville de Lille et la ville de Lomme.
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JEAN-PIERRE PRANLAS-DESCOURS ARCHITECTE (2017), La ville en projet | Lille-Euratechnologies | Les Rives de la Haute-Deûle 2005-2025, Université de Liège.
SOURCES EN LIGNE
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Les rives de la Haute Deûle, Lille - Nord. Repéré à http://www.eco-quartiers.fr/#!/fr/espace-infos/etudes-de-cas/les-rives-de-la-haute-deule-28/
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EUMayors. (2018), Les rives de la Haute Deûle, un éco-quartier au fil de l’eau, S’adapter aux changements climatiques, http://www.energie-cites.eu/db/covenant_case_study_2018_lille_fr.pdf
RÉFÉRENCES
À PROPOS
Luiza SANTOS
B.Sc. Arch
Candidate à la maîtrise en architecture (M.Arch)
Michel ASSELIN
B.Sc. Arch
Candidat à la maîtrise en architecture (M.Arch)
Maria GONZALEZ
B.Sc. Arch
Candidate à la maîtrise en architecture (M.Arch)
Thibault NGUYEN
Licence en architecture
Candidat à la maîtrise en architecture (M.Arch)
© 2018 Par Luiza SANTOS, Maria GONZALEZ, Michel ASSELIN et Thibault NGUYEN